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Jamais sans mon livre

Vendredi 15 juillet 2011 à 13:03

C'est systématique : à chaque fois que je tombe en adoration devant un roman, j'éprouve une hantise réelle à la pensée du compte-rendu de lecture qui suivra. Je crains de ne pas trouver les bons mots, de ne pas faire ressortir les éléments qui mériteraient d'être mis en lumière, de me concentrer sur le détail au détriment de l'essentiel... Bref, ma peur est de ne pas être à la hauteur du livre qui m'a tant enthousiasmée.


Et, ne vous y trompez pas, le but de ce préambule n'est autre que de retarder l'inévitable, car Un autre monde a été pour moi un coup de coeur comme j'en éprouve très, très rarement.



"Il y a, en chacun de nous, un autre monde. La chose la plus importante est toujours celle que l'on ne connaît pas."

Un autre monde raconte l'histoire de Harrison William Shepherd, un personnage inoubliable, dont la recherche d'identité plonge le lecteur au coeur des événements les plus tumultueux du XXe siècle.

Barbara Kingsolver nous entraîne dans un voyage épique, de la ville de Mexico des années 30 - où le lecteur rencontre Frida Kahlo, Diego Rivera et Trotsky, leader politique en exil - à l'Amérique de Roosevelt et J. Edgar Hoover, en plein maccarthysme.

Avec des personnages profondément attachants, souvent émouvants, un vrai sens de la description des lieux et une analyse juste et intelligente de la façon dont les événements historisques et l'opinion publique peuvent façonner une vie, l'auteur a créé un bouleversant portrait d'artiste et s'interroge sur l'essence même de l'art.



Dans un premier temps, j'ai été destabilisée. Je suis une grande admiratrice de Barbara Kingsolver, et l'ouverture de ce roman ne m'a pas déçue une seule seconde. Simplement, je ne retrouvais pas les caractéristiques habituelles de son écriture: grandes descriptions de paysages sauvages, héroïne atypique, inscription du récit dans les Etats-Unis d'aujourd'hui... Cette fois, nous découvrons un narrateur au masculin, d'abord très jeune, qui nous fait découvrir le Mexique des années 1930!


Un virage à 180 degrés? Pas vraiment, car j'ai retrouvé ce qui, finalement, me plait tant chez cet auteur, c'est-à-dire le dépaysement, la plongée dans un univers différent du mien, sans oublier l'attachement immédiat au personnage principal. Sur ce dernier point, je trouve d'ailleurs que Barbara Kingsolver excelle. Par le biais de journaux intimes, qui livrent autant qu'ils dissimulent (l'un des fils rouges du roman), nous voyons Harrison se révéler, au fil des années, au gré des rencontres.


Et quelles rencontres! J'ai été particulièrement sensible à la relation qui se noue entre le narrateur et Frida Kahlo. Harrison parvient peu à peu à apprivoiser cette femme lunatique, écorchée vive, haute en couleurs (au sens figuré autant que littéral), avec qui il se découvre de nombreux points communs, à commencer par leur jour de naissance. Une autre amitié exceptionnelle est celle qui unit le héros à Trotsky, célèbre communiste que nous découvrons dans sa puissance et dans sa simplicité. Sa façon de nourrir poules et lapins alors que sa vie est menacée me l'a rendu plus que sympathique. Enfin, la complicité respectueuse qui se développe entre Harrison, alors adulte, et la très sage Violet Brown m'a beaucoup touchée.


La thématique principale du roman concerne le ragot, le téléphone arabe, le mensonge et sa faculté de se répandre de façon aussi instantanée que dévastatrice. Chaque personnage y est confronté, à une intensité variable, et en tant que lectrice, j'ai réellement partagé le désarroi de toutes ces victimes de rumeurs insensées, qui portent atteinte à leur réputation... ou à leur vie. La presse est montrée sous son plus mauvais jour, celui de propagateur de propos falsifiés, et il est impossible de sortir de cette lecture sans avoir affiné son esprit critique à l'égard du journalisme.


Le titre, Un autre monde, fait allusion à ce que j'évoquais plus haut : l'autre monde signifie le monde de l'inconnu, l'ensemble de ce que nous ne saurons jamais, ce qui finalement importe le plus. Et sans trop en révéler, je dirais simplement que la fin, en forme de point d'interrogation, est fidèle à ce principe et termine en beauté un récit magistral.



Cela ne m'était plus arrivé depuis longtemps, mais j'en suis arrivée à redouter de terminer ce livre, que je ne voulais tout simplement plus quitter! Alors comment ne pas vous recommander un roman aussi sublime, unique, passionnant, émouvant, et qui ne laissera aucun lecteur indemne. Barbara Kingsolver signe probablement son chef d'oeuvre et, j'en suis persuadée, l'un des meilleurs livres de 2010.

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